Dimanche passé, j'ai eu l'occasion de visiter un haut lieu historique de Nanjing, peu connu mais qui revêt une importance capitale en Chine. Cette visite s'est déroulée en la compagnie de la femme et du fils d'un commerçant de Fuzimiao (cliquer ICI et LA) que j'avais connu par l'intermédiaire d'un vendeur de thé (cliquer ICI).
Si j'ai compris une chose importante en Chine, c'est bien ce qu'on appelle ici les 关系 qu'on traduit par relations sociales ou guanxi. J'en avais parlé dans un article précédent (cliquer ICI), le marchandage implique une relation tout autre entre le vendeur et l'acheteur. Même s'il est acquis que marchander est bien plus fatiguant que de lire une étiquette, cette action permet de lier des relations avec certains commerçants qui peut aboutir à de l'amitié dans certains cas. Je l'avoue, je suis opportuniste. Certains le prennent comme un défaut, moi je le vois plus comme un trait de caractère qui permet de saisir des occasions qui peuvent nous apporter beaucoup, à pleins de niveaux. Ce commerçant m'avait demandé si je pouvais donner des cours d'anglais à son fils (ici blanc = anglophone), j'ai tout de suite accepté.
Dimanche passé, je me rends dans l'une des boutiques de l'homme et attend. Au bout d'une dizaine de minutes, la mère et son fils arrive. Timide et peut-être intimidé, l'enfant m'évite et refuse de parler en anglais. Moi je n'y vois pas d'inconvénient, parler le chinois ça me va! Finalement, je parle plus avec la mère et une vendeuse qui, pour une fois, me posent de vraies questions sur la Suisse. Je dis ça parce que la plupart du temps, on me sort cliché sur cliché et j'avoue qu'à force, ça tend!
Finalement, elle me propose d'aller visiter le plus grand collège d'examens mandarinaux de Chine, et oui, rien que ça! Pour ceux qui l'ignore, sachez que ces examens étaient une véritable révolution à l'époque où il ont été créés, il y a un peu plus de 2000 ans sous le règne de de l'empereur Wudi (-156/-87). Pour l'une des premières fois dans l'histoire, voire même peut-être la première, un système d'aristocratie fut remplacée par une méritocratie. En gros, tout le monde pouvait accéder aux plus hautes fonctions de l'Empire, quel que soit son origine social. Dans les faits, la situation étaient moins rose puisque vu la préparation qu'il fallait et l'éducation qui suit, les relations et le sexe (les femmes n'y étaient pas admises), tout le monde n'avait pas un accès égal aux fameux examens.
Le collège des examens mandarinaux de la région du Jiangnan exista pendant 1316 ans, entre 589 et 1905, année à laquelle les examens furent abolis. Sur la maquette de l'entrée, on peut saisir à la grandeur du site par le passé. Aujourd'hui, j'imagine que la plupart des bâtiments sont de pures reconstructions, mis à part quelques stèles, entre autres. On peut néanmoins avoir une petite idée de ce que c'était de passer les examens qui donnaient accès aux fonctions mandarinales, des plus basses aux plus prestigieuses. Imaginez passé entre 24 heures, 72 heures (dixit Wikipédia) voire même jusqu'à une semaine, selon mon amie chinoise. Imaginez rester durant la durée de tout l'examen dans une toute petite pièce, parfois vétuste avec deux planches de bois, l'une qui servait de siège, l'autre de bureau. Réunies, elle formait un lit sommaire. Imaginez également que cet endroit, que vous ne quitterez pas, vous serve également de toilettes ainsi que de salle à manger. Enfin imaginez que vous êtes exactement 20'644 a subir cette épreuve simultanément. Voilà ce que c'était de passer un examen mandarinal dans cette immense collège.
Pour terminer, il faut savoir que si on ratait l'examen, il fallait attendre 3 ans avant de le repasser, à moins que l'Empereur n'en décide autrement. Pas de limite d'âge et d'ailleurs, le plus vieux participant dans ce collège était âgé de...103 ans!
Un endroit intéressant à visiter mais les explications y sont pour beaucoup, qu'elles viennent de mon amie chinoises ou des petits panneaux disséminés traduits en anglais.
A l'entrée du site, deux statues représentant un participant et un professeur. Les parties patinées (en clair) l'ont été par tous les passants qui ont touché ces bronzes, en espérant avoir de la chance, du bonheur, etc...
Maquette du collège tel qu'il l'était. Les rangées que vous pouvez voir après les 3 bâtiments abritaient les 20'644 cellules
L'un sinon le dernier personnage célèbre issu du collège, Chen Duxiu (1879-1942)
Quelques affaires d'un participant qui ont servies pendant les examens
Le diplôme que l'on recevait si l'on réussissait les examens: 1 mètre 20 sur 60 centimètres, ça en jette!
L'une des reconstitutions à l'aide d'un mannequin. En l'occurrence, un participant visiblement un peu paniqué, peut-être en raison du serpent (en haut à droite de l'image) dans sa cellule! Sur la droite de l'image, on peut voir son panier à repas.
Détail d'une stèle
La femme de mon ami commerçant qui explique à son fils la stèle la plus célèbre du site qui représente un homme constitué de 10 caractères chinois.
De gauche à droite: la femme du commerçant, leur fils et moi-même. La poutre métallique terminée par deux têtes de dragons porte, suivant le nombre de fois qu'on la franchit, amène divers bonheurs. Dans l'ordre:
1 fois: succès des examens
2 fois: rapide avancement dans sa carrière professionnelle
3 fois: bonne chance et argent
4 fois: amour éternel
5 fois: naissance d'un fils
6 fois: longue vie, bonne santé et paix
Nous retournons plus tard dans l'un des magasins où nous trouvons le mari. Je suis invité au restaurant et j'ai mangé là l'un des meilleurs souper de cette année en Chine. C'est l'avantage d'être avec des gens qui connaissent, il n'y a qu'à se laisser guider! Après, il suffit de tomber sur une personne qui "commande bien" (Chaque fois que j'ai mangé avec des Chinois, c'est une seule personne qui commandait pour l'ensemble de la tablée) et le tour est joué. Retour une dernière fois dans l'une des boutiques où je reçois, encore une fois, un cadeau: 雨花石,des "pierres des fleurs de pluie" qu'on trouve dans un cours d'eau de Nanjing. Je prends à ce moment-là la décision de freiner mes envies d'ailleurs pour passer l'essentiel des week-ends qui me restent à Nanjing, à profiter des moments avec mes connaissances chinoises. Les voyages attendront mais ces moments que je passe avec des Chinois m'apporte quelque chose d'unique et qui ne se représentera peut-être pas de si tôt...